Après un été silencieux car accaparé par le lancement de la V2 de notre API de Learning Objects et la finalisation de notre convertisseur Excel - XML pour EDOF, c’est avec grand plaisir que nous reprenons la plume … et le graphique 😄
Je ne vous apprends rien : le plan de Relance fait la part belle à la “digitalisation” de la filière. Les appels à projets/d’offres/manifestations d’intérêt s’empilent comme les devoirs : ici, là, ou encore là.
En tant qu’entrepreneur, je vous avoue que les subventions c’est cool mais je m’en méfie toujours. Une subvention c’est bien pour supporter un investissement initial lourd et/ou risqué. Mais ce dont a besoin la filière, et plus particulièrement les EdTech françaises ce sont des achats. Car qui dit achats dit CA. Et le CA c’est la clé d’une filière en bonne santé, pérenne et durable.
Certains diront que le problème avec les produits numériques pour l’éducation et la formation, c’est qu’on avance dans le monde mystérieux du marketing de l’inconnu.1
Peut-être pas tant que ça. Les ressources numériques sont déjà un poste de dépenses significatif dans le segment de l’enseignement supérieur et de la recherche. Il existe d’ailleurs un jeu de données sur le sujet, peu exploité mais pourtant très riche en informations sur les parts de marché et le pricing. Ce jeu de données “recense les moyens (en €) consacrés par le système documentaire de l'enseignement supérieur et de la recherche à l'acquisition de ressources documentaires électroniques“.2
Alors ce ne sont pas strictement des ressources pédagogiques numériques et quelques biais sont à prendre en compte.3 Néanmoins, cela représente une source d’informations factuelles qui peut s’avérer très utile pour tous ceux qui souhaitent mieux comprendre comment le marché EdTech pourrait se structurer et comment évaluer la valeur de ses services et produits.
Dépenses totales
Ce dataset recense les dépenses de 249 établissements uniques, ce qui représente en cumulé environ 98-108 millions d’euros par an. Cette valeur évolue peu entre 2015-2018 mais il serait intéressant de voir l’impact de la crise du COVID sur ces dépenses.
Par type d'établissement
Si on regarde par type d’établissement, on s’aperçoit sans surprise que les plus gros “consommateurs” de ressources numériques sont les Universités de loin, avec des dépenses de l’ordre de 45-48 millions d’euros par an.
En deuxième position, on retrouve les organismes de recherche (e.g. CNRS) avec 25-28 millions d’euros par an. Les dépenses chutent ensuite à moins de 6 millions d’euros par an pour les autres types d’établissement.
Par type de ressources
En terme de types de ressources, ce sont les journaux
et revues
scientifiques qui prennent les premières places, suivis de près par les bases de données
avec des dépenses de l’ordre de 23-37 millions d’euros par an.
La catégorie non renseignée
représente environ 13 millions d’euros ce qui limite assez l’analyse. On notera que les applications
et portails
sont négligeables par rapports aux dépenses totales puisqu’ils ne représentent que 113-166k euros, soit 0,1 à 0,2 % des dépenses totales.
Par éditeur et origine
Le dataset recense 976 ressources numériques différentes. Il serait trop long de les détailler une à une mais si ça vous intéresse, nous avons généré pour chacune des 63 Universités françaises le graphe correspondant de leurs dépenses en ressources électroniques en 2018 (téléchargeables ici).
Le top 50 de ces ressources représente 84 % des dépenses totales. Les dépenses sont donc fortement concentrées sur une poignée de produits et donc d’éditeurs.
Avec plus de 35 millions d’euros, RELX - Elsevier
est l’éditeur qui pèse le plus dans les dépenses, de loin, de très loin. Elsevier est le leader des éditeurs de journaux scientifiques et sa suprématie n’est donc pas étonnante. Ce qui est étonnant, c’est que la place de numéro 2 (Wiley-Blackewell
) et celle de numéro 3 (Web of Science
) ne représentent que 7 et 3 millions d’euros par an respectivement.
La première ressource d’origine française est la fameuse collection Techniques de l’ingénieur
. Mais elle n’arrive qu’en 7ème position et ne représente que 1,9 millions d’euros par an, soit 1.8% de part de marché.
Ce qui pose la question suivante :
Où va l'argent de ces dépenses en ressources numériques ?
Le grand gagnant sont les Pays-bas
qui récupère 46 % de part de marché, principalement grace à Elsevier. A noter que Elsevier fait partie de RELX, un groupe britannique.
Les US
arrivent en deuxième position avec 20% de part de marché, notamment grace à Springer, Web of Science, ACS.
Les éditeurs français
arrivent en 3ème position avec 16% de part de marché. A noter que Elsevier Masson fait techniquement partie du groupe RELX également. Donc franco-britannique finalement.
Ce qui place donc l’apparent 4ème britannique
, en leader de l’ombre si on prend en compte son control des principaux éditeurs néerlandais et français.
Conclusion
Ce qu’on peut retenir de l’exploration de ce jeu de données :
Le marché des ressources électroniques dans l’enseignement supérieur en France c’est 108 million d’euros par an,
33% de ces dépenses sont captées par un seul éditeur : Elsevier (35M €/an),
46% de ces dépenses sont captés par les Pays-bas,
Via le jeu des filiales, la grande Bretagne contrôle 60-70% de ce marché.
Il semblerait que des actions soient en cours pour mieux rééquilibrer ces dépenses et promouvoir une circulation des ressources plus saine et moins centralisée entre quelques mains.4
Cela ouvre en tout cas la réflexion sur l’évolution de la part des ressources pédagogiques numériques dans l’enseignement supérieur.
Bien qu’on n’ait pas encore de données pour mesurer l’impact des confinements récents sur les dépenses en ressources pédagogiques numériques, il semble que de nombreuses barrières sont tombées. Il n’est plus qu’une question de temps avant que la demande ne rencontre le foisonnement d’offres EdTech innovantes. Je vous invite d’ailleurs à les découvrir sur la cartographie EdTech France 😉. Reste maintenant à construire des études d’impact et des “success stories” qui permettront de les généraliser et de les faire passer du stade expérimental au stade industriel.
Ce dataset est vraiment riche et nous n’avons abordé que sa couche macroéconomique. En attendant qu’on y revienne dans un futur article, si vous souhaitez farfouiller par région, voire par établissement, nous avons mis en ligne tous les graphiques générés lors de cette analyse dans notre repo inokufu/opendata sur github.
Que vous évoque cette analyse ? Comment voyez-vous ce marché évoluer ?
Bonne semaine
Matt
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Marketing the Unknown: Developing Market Strategies for Technical Innovations, Paul Millier, ISBN: 978-0-471-98621-8, voir ici : https://www.wiley.com/en-us/Marketing+the+Unknown%3A+Developing+Market+Strategies+for+Technical+Innovations-p-9780471986218
Enquête sur les ressources électroniques des établissements de l'enseignement supérieur et de la recherche, accessible ici : https://www.data.gouv.fr/en/datasets/enquete-sur-les-ressources-electroniques-des-etablissements-de-lenseignement-superieur-et-de-la-recherche/
D’aprs la présentation du jeux de données sur data.gouv.fr : “Ce recensement est sujet à différents biais : des biais liés au déclaratif (non réponse de certains établissements, absence de vision exhaustive des ressources achetées, erreurs de saisie), des biais liés aux redressements effectués par Couperin par croisement avec les informations des négociateurs, des biais liés à la procédure d'achat. On estime que le recensement des dépenses produit par l'enquête sur les ressources électroniques couvre plus de 90 % des dépenses en ressources électroniques.”
https://www.couperin.org/breves/1467-le-consortium-orcid-france-ouvre-son-site-web